Structure ambivalente, une répartition de richesse dépravée et une technologie de pointe exportable. Sous le vernis de cette émergence économique au niveau global, sur les 400 millions de citadins, 68 millions vivent dans des taudis dont les conditions de vie sont considérées impropres à la vie humaine.
En d’autres termes, le double de la population du Maroc actuel vit dans des bidonvilles Mumbai, possède plus que 7.5 million de citoyens indiens vivant dans des conditions insalubres, soit la population entière de Hong Kong. Si on tient compte des 5 grandes villes indiennes, telles que Mumbai, Kolkata, Delhi, Chennai et Bangalore, on aboutira au total de la population des Pays-Bas, soit 17 million qui s’entassent dans des taudis autour de ces métropoles de la croissance économique de l’Inde.
L’Inde, une Économie Émergente avec un Immobilisme Social:
L’économie indienne en chiffres…
PIB : 1758 milliards de dollars (2013, FMI)
PIB par habitant : 1 414 dollars (2013, FMI)
Taux de croissance : 4,7% (2013/2014, OCDE) – 3,8% (2013)
Taux d’inflation : 9,5% (prix à la consommation, 2013, FMI)
Solde budgétaire : -2% du PIB (2013, FMI)
Balance commerciale : -168 milliards de dollars (2011, FMI)
Principaux partenaires : Chine, Etats-Unis, EAU, Arabie Saoudite, Allemagne, Singapour, Royaume-Uni
Part des principaux secteurs d’activités dans le PIB : (2013 Banque mondiale)
- Agriculture : 16,9%
- Industrie : 17%
- Services : 66,1%
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Un développement réel et durable ne peut se réaliser sans le coté social. L’Inde est l’exemple parfait du Mal-développement durable dans sa négation du social et le carrousel distribuant les positions de force et existant dans la sphère dirigeante maintient cette rigidité et cet immobilisme social tout en favorisant une extraction d’élites technologiques a l’image des technocrates qui s’étaient épanouis sous les régimes dictatoriaux militaires. Confrontés par les besoins de justifier leur abrupte intrusion sur la scène politique, les militaires en Amérique Latine durant les décennies des années soixante et soixante dix qui a défaut de trouver des classes sociales pour affermir leur coups d’états avaient formé et favorisé l’insertion de technocrates tel que les “Chicago Boys” de l’École de Milton Friedman. Au Maroc, ce fut les Médecins et les Avocats et des Sabatiers qui devinrent les Premiers Ministres soutenus par une pléiade des Ingénieurs d’état formés par l’École Polytechnique, les Arts et Métiers ou par l’École Mohammedia des Ingénieurs. En Europe, c’était les “Énarques” Européens issu directement du Centralisme Étatique nécessité par la reconstruction de l’après-guerre.
L’Inde se fait prévaloir comme étant la plus grande démocratie par ce monde aux yeux des investisseurs étrangers et auprès de ceux qui sont les clients de ses offshore activités et industries. A l’issue des élections législatives qui se sont déroulées du 7 avril au 12 mai 2014 auxquelles 814 millions de personnes ont été appelées à voter, le candidat du BJP, Narendra Modi, a été élu Premier ministre. (1) Alors qu’en réalité, la classe dirigeante contemporaine de l’Inde est issue d’un régime colonial de type féodal, ayant mis à l’écart les Khan et les Maharadja grâce à sa consolidation par la Grande Bretagne et les Compagnies Privées de Commerce Anglaises, qui dans toute leur histoire voulaient seulement exploiter les richesses locales sans toucher à la structure de la domination politique et sociale du pays. Un système de caste fermé est ainsi perpétué à travers un soi-disant respect de la spiritualité Hindouiste.
Selon Max Weber, une caste est donc au sens de la possession et non possession de bien, un structure sociale moindre que la classe dont les caractéristiques et le statut sont prédéterminés dès la naissance. Cette prédestination sociale est donc une tare et une entrave directe a toute mobilité sociale au niveau des individus isolés et n’ayant aucune liaison et ni localisation dans la division de la société en tant que classes sociales. (2)
Pitirim A. Sorokin considère l’Inde comme l’archétype d’une société fermée dans laquelle les statuts sont assignés, par opposition aux sociétés ouvertes dans lesquelles les statuts sont acquis. (3) Certains thèses défendent l’ouverture de la société indienne réalisée a travers “les politiques de «réservation» (discrimination positive), a savoir une dissociation entre caste et classe [qui] s’est même accrue (bien que la congruence demeure extrêmement forte). Par ailleurs, la sécularisation du pays est allée de pair avec une délégitimation de l’usage des critères de caste dans le sens commun.” (4)
Pourtant, la typologie binaire de Sorokin a un effet trompeur: la société indienne n’est pas complètement fermée. Toute relative que soit cette délégitimation, elle a néanmoins introduit une brèche dans les principes garantissant l’ordre social indien. La théodicée indienne, que Weber décrivait comme «la plus conséquente que l’histoire ait jamais produite» (5), se voyait ainsi concurrencée par une idéologie du mérite selon laquelle la valeur de l’individu dépend non plus de sa naissance, mais de sa réussite professionnelle. En réalité, les tenants du pouvoir par le faste de leur train de vie et la complexité des défis internationaux et les conflits régionaux ainsi que la nécessité pour l’Inde de se positionner comme une économie d’une portée globale ne pouvait être une structure complètement fermée à l’innovation et à la créativité économique et technologique. L’Institut de Technologie inauguré au lendemain de l’indépendance jeta les bases précoces pour la mobilité sociale basée sur le mérite et sur la connaissance scientifique. Néanmoins, ces changements n’avaient nullement altérés la structure immobile de facto en Inde, elle a seulement permis aux classes dirigeantes de sélectionner et de doser la promotion individuelle selon les besoins de la consolidation d;e leur propres intérêts et aussi afin de se faire prévaloir auprès des nations occidentales revendiquant les droits de l’homme.
C’est cette “Grande Bourgeoisie” formée aux écoles techniques mise en place par Nehru et au niveau des affaires dans les cercles formateurs et universitaires made by the British et par la suite aux USA. En fait, les ingénieurs étaient fait maison, alors que les dirigeants des affaires made in USA tandis que les politiciens et les administrateurs étaient made in Great Britain, alors que l’approvisionnement de l’armée était made in Moscou et France pour réduire l’impact des British dans la formation des élites militaires pour mieux confronter les défis régionaux qui pouvaient aussi se prévaloir d’une assistance britannique.
Dans cet imbroglio et ce labyrinthe politico-économique sous-adjacent au profit des classes dirigeantes et régnantes en Inde, une dispute régionale prit la relève au conflit des intérêts internes. La situation géo-politique de l’Inde par rapport a la Chine, l’Afghanistan et surtout le Pakistan / Cachemire a donné l’opportunité a la diversité des classes gouvernantes d’avoir une soudure nationaliste et des réflexes d’auto-préservation du système de leur domination et de légitimer leurs acquis et leurs privilèges comme de naturelles récompense de leurs défenses de l’indépendance et de l’intérêt suprême de la nation indienne qui en réalité et dans sa vaste majorité reste déchirée, engloutie dans des castes misérables et disparates et cela a tous les niveaux de l’expression de l’appartenance nationale.
Cette dichotomie conflictuelle de la société indienne a imposé à ceux qui détiennent le pouvoir de transformer la démocratie en une dynastie élective qui est déterminée par ceux qui arrivent les premiers à prendre et exercer le pouvoir pour ne plus le lâcher. Ces occupants du pouvoir en Inde utilisent le système virevoltant par lequel seuls les Sahibs et eux-mêmes par la suite ont accès et surtout peuvent utiliser actuellement les retombées du Nationalisme Indien hérité de la Dynastie de Jawaharlal Nehru et sa descendance à travers Indira Ghandi. En effet, la succession presque orchestrée par une combinaison successive de l’utilisation du nom vénéré de Ghandi, par la rotation du même lignage familial et par la revendication d’une appartenance idéologique similaire ont toutes favorise et aide à la domination de la sphère du pouvoir de l’Etat central Indien.
Cette usurpation fut doublée d’une ouverture pseudo-libérale des grands secteurs de l’économie et une adaptation économique aux nouvelles données internationales. La combinaison de ces symboles dans un pays largement superstitieux et fataliste dans sa culture populaire de masse canalisa l’alternance des mêmes dirigeants tout en contribuant directement depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, a octroyé à la même caste dirigeante de détenir et de réussir le coup de force de détourner à son propre profit et à son nom les réalisations nationales. Il n’est point étonnant de trouver dans un tel environnement dualiste que même l’aéroport de New Delhi porte le nom de Indira Ghandi.
Émergence de Classes Moyennes dans une Économie Castrée
Un détournement socio-institutionnel fut mis à profit par la même classe dirigeante depuis l’indépendance qui lui permit de s’octroyer la faculté de créer ou d’élargir de nouvelles bases sociales pour elle-même et pour tout nouveau pouvoir central et ceci sans altérer l’immobilisme pour la grande majorités des composantes sociales de l’Inde. De ce fait, la structure du pouvoir en Inde reste une association d’intérêts de classe dirigeante avec les aspirations des élites sociales et technocratiques issue d’un dirigisme économique et d’une obstruction sociale omniprésente même au niveau de l’expression politique et représentative.
“Au lendemain de l’indépendance, la classe moyenne était constituée de fonctionnaires et d’employés d’entreprises publiques, lorsque l’Etat jouait un rôle central dans l’économie du pays. […..] Avec la libéralisation de l’économie, les membres de cette classe moyenne, éduqués, anglophones, issus en majorité de castes supérieures, ont pu bénéficier des aubaines créées par le développement du secteur privé en occupant des emplois mieux rémunérés, notamment dans le secteur des services informatiques. Ceux qui les ont remplacés dans les postes de fonctionnaire sont plus nombreux à être issus de castes inférieures ou intermédiaires et sont originaires de villes moyennes. (6)
“L’Inde comptait «seulement» 350 millions de personnes à l’indépendance. Elle a dépassé le milliard en 2000. Il compte aujourd’hui environ 1,160 milliard de personnes et dépassera la Chine vers 2030. On le sait, cette population compte des très très riches et beaucoup de très très pauvres. Mais ce qui frappe aujourd’hui est l’essor d’une grande classe moyenne, qui compte aujourd’hui entre 200 et 300 millions de personnes avec un revenu mensuel de 30 000 à 40 000 roupies pour les classes moyennes basses (soit environ 461 à 615 euros) et un revenu mensuel de 40 000 à 50 000 roupies pour les classes moyennes hautes (soit environ de 615 à 769 euros)” (7)
Les efforts de l’Etat central tendent à stimuler la croissance économique pour renforcer les assises de cette classe moyenne et faciliter sa mutation et sa contribution dans la formation d’une société de consommation moderne en Inde. Cette transformation devrait se réaliser en dehors du système des castes qui a longtemps entravé la mobilité sociale et la consommation en Inde. Dans cette optique, l’enrichissement des ménages est perçu comme le levier pour cette intégration. Le développement durable de toute l’économie de l’Inde accompagné d’une transformation totale du système des castes ne sont point les objectifs de la politique de croissance rapide favorisée par le Gouvernement Indien.
Economie – Inégalité – Environnement

En effet, les dirigeants de l’Inde pouvaient ainsi façonner la classe au pouvoir en recrutant sélectivement leurs propres et directes bases sociales notamment en favorisant à cet égard toutes les décisions et les mesures économiques allant dans l’imitation de l’occident au niveau de l’expansion des classes moyennes et au niveau de la consolidation de l’appropriation des secteurs clés de l’économie par les rejetons de la même classe politique dirigeante.
En fait, la réalité économique et la dimension de marché que représente de la classe moyenne en Inde reste une affaire d’exagération et de tendance de marketing dont les études étrangères, qui tende à “vendre” aux investisseurs étrangers et aux producteurs de marques renommées le label de la classe moyenne indienne en tant qu’un nouvel eldorado de l’expansion économique. Pour le consultant McKinsey, la classe moyenne en Inde atteindra les 250 millions seulement en 2015. Cependant la perte de vitesse enregistrée par la croissance 4-5% et l’aggravation de l’inflation affectent ses revenus, mais les experts internationaux persistent et signent pour son expansion. Ainsi, la banque américaine Goldman Sachs ajoute que «toutes les analyses suggèrent que l’expansion la plus rapide de la classe moyenne se produira en Asie, l’Inde devançant la Chine sur le long terme». Dans la même perspective, un rapport du cabinet Deloitte prophétise que l’Inde sera, en 2030, «le marché de la consommation le plus important au monde». Selon ces mêmes experts, la classe moyenne en Inde serait actuellement de 70 à 250 millions de personnes (sur 1,2 milliard d’habitants)…
Comment donc décrire cette classe moyenne qui se tourne vers l’extérieur pour adopter un style de vie importée et qui substitue le Café au traditionnel Thé? D’après Pavan K. Varma, auteur du Défi indien, «ils ont en commun une adhésion à la connectivité instantanée», à travers l’usage du smartphone, les sites sociaux et l’information technologie pour accéder aux nouvelles de tous les jours. Par contre, le recensement de 2011 quantifie seulement 4,6 % des Indiens comme éduqués et conversant en anglais. ainsi que propriétaire a la fois d’un ordinateur, d’un véhicule et d’un téléphone portable.
Elle est formée de propriétaires de petits magasins, employés qualifiés, commerciaux, cadres du secteur privé. “Les produits qui les attirent : la télévision couleur, les loisirs, comme les voyages à l’intérieur du pays, les services de santé, le petit électroménager, les produits de confort pour la maison (ventilateur…), des produits d’hygiène et soin qui se sophistique (comme les parfums, qu’on trouve beaucoup au « grey market », illégal, mais toléré), des sorties au restaurant (Mcdonald’s dans sa version sans vache sacrée, c’est à dire avec des burgers au poulet est ici positionné en «family restaurant»). La voiture commence seulement à pénétrer la partie élevée des classes moyennes.” (9)
Dans un tel environnement ambivalent, les progrès économiques restent malgré leurs réalisations scientifiques et commerciales, elles demeurent limitées dans leur réalisations sociales et restent profondément ancrées et enracinées dans le Mal-Développement Durable. Toute secousse économique telle qu’une crise d’envergure même régionale ou sectorielle peut faire des dégâts irrémédiables à ce modèle d’économie émergente et peut entraîner toute une série d’ajustements draconiens avec une intervention musclée de l’état au détriment du secteur privé qui est actuellement le porteur de la croissance économique.
Dans cette optique et telle que ce qui est arrivé à la Chine, l’Inde par ses faiblesses structurelles et ses antagonismes sociaux, peut être la prochaine cible sous d’autres prémisses et avec de différentes conséquences mais pouvant intérioriser les mêmes effets sur son économie émergente encore a la recherche d’une affirmation internationale au niveau des échanges commerciaux et des partenariat financier. En effet, la Chine continue de nos jours à lutter contre et à confronter une brusque et brutale dépression boursière, des incertitudes financières doublées de dévaluations monétaires. causant ainsi un refroidissement de toutes les activités économiques tournées vers l’extérieur.
En cela, les fluctuations et la difficulté d’avoir une reprise économique continue en Chine peut s’avérer dans l’économie indienne plus désastreuse vu la longue période de sa gestation coloniale et son insertion dans le système capitaliste périphérique, ses hésitations vis à vis du globalisme occidental et vu l’adjacent immobilisme social qui caractérise ce pays depuis des siècles.
Enfin, ce que Youssef Chraibi décrivait comme le faible profil des entrepreneurs indiens et des classes moyennes, est en fait leur marque de prestige et il est typique des classes dirigeantes en Asie surtout dans les pays ou une vassalité du reste de la société leur est assujettie. C’est un comportement qui veut envoyer le message que tous les individus de leur société ont la même origine et qu’ il n’y a rien à réclamer de sensationnel ou d’arrogant, la différenciation se mesure seulement au niveau de la réussite sociale et non à partir de l’appartenance de classe.
Notes Bibliographiques:
http://www.destination-inde.fr/economie/
[1] La vie politique indienne est marquée depuis les années 1990 par l’alternance de deux grands partis. Le Parti du Congrès, fondé en 1885, est la plus ancienne formation politique indienne. Il a dominé la scène politique indienne au moment de l’indépendance et jusque dans les années 1990. Le Bharatiya Janata Party (BJP), fondé en 1980 représente la droite hindoue conservatrice. Il a remporté les élections législatives en 1998 puis en 2014. Enfin, ces dernières années ont été marquées par l’émergence de partis régionaux dans les différents États de l’Inde. http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/inde/presentation-de-l-inde/
[2]Max Weber, Hindouisme et Bouddhisme, traduit et présenté par Isabelle Kalinowski et Roland Lardinois, Paris, Flammarion, coll. Champs, 2003, p. 123.
[3] Pitrim Sorokin, Social Mobility, New York, Harper and Brothers, 1927.
[4] Jules Naudet, Castes, intouchabilité et réussite sociale en Inde, 13 mars 2009
[5] http://www.laviedesidees.fr/Castes-intouchabilite-et-reussite.html
Auteur:
Dr. Said El Mansour Cherkaoui – Contact information: saidcherkaoui@triconsultingkyoto.com
This work by Dr. Said EL Mansour Cherkaoui is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License.
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